C'est dans un contexte particulier que nous quittons nos amis, une dizaine de jours plus tôt que prévu.


Ces derniers jours, nous avons beaucoup réfléchi à ce que nous voulions faire en cette période spéciale mondialement. Nous avons finalement décidé de trouver un volontariat où nous pourrions rester le temps nécessaire avant de reprendre la route. Pour un mois, 2 mois, 3 mois? Personne ne sait.

Nous avons un jour de battement entre le départ de la troupe belge et le début du volontariat. Alors qu'ici, le confinement n'est pas encore le maître-mot, nous décidons de prendre les devants et nous auto-confinons dans un hôtel toute la journée. Mine de rien, pour nous c'est le grand luxe: lits confortables, télévision, appels des amis et de la famille, on profite du confort plutôt rare pour nous depuis plusieurs mois.


Le lendemain, on quitte Pearl Lagoon pour retourner à Bluefields. C'est dans ces environs que nous allons faire notre volontariat et nous confiner pour une durée indéterminée pensons-nous. Erreur. Julieta, notre hôte, n'en a rien à f***** du covid et loin d'elle l'idée de se confiner. Pour elle, le virus n'arrivera pas ici ou en tout cas, ne causera pas de dégâts... Elle se rend en ville presque tous les jours et les vas-et-vient sur son terrain sont nombreux. En temps normal, cela nous plairait mais là, ça nous met un peu mal à l'aise.


Le projet de Julieta est de construire sur ce terrain une communauté avec comme idée de pouvoir être autosuffisant et de vivre sans argent. Pour le moment, le projet en est à ses débuts. Elle a acheté ce lopin de terre il y a déjà 7 ans mais comme elle ne vient que quelques mois par an (elle est argentine et vit à Londres une partie de l'année), l'avancée est lente. Actuellement, il y a un puit d'où vient toute l'eau utilisée, une petite cabane où vivent Julieta, son fils de 5 ans, Maricela (une locale de 21ans) et son bébé Donemark, et enfin 2 autres constructions en bois : la douche (où l'on se lave à la coupelle) et les toilettes sèches.Tous les soirs, nous montons notre tente dans la pièce principale de la "maison" et la démontons le matin. Dehors, il y a trop de vent. Le terrain donne sur la baie de Bluefields, extension de la mer Caraibes. L'eau n'y est pas bleue turquoise comme on l'imaginerait mais plutôt brune. Heureusement nous sommes un peu à l'écart de la ville où l'eau y est vraiment sale.


De notre côté, nous aidons à diverses tâches comme un peu de construction, s'occuper des enfants, cuisiner, tenter la lessive à la main. Pour cette dernière, ce n'est pas la tasse de thé de Manon. Elle lave 3 tshirts le temps que Maricela termine tout le panier à linge!

En plus de cela, nous avons créé un sentier reliant la maison aux toilettes et à la salle de bain. Nous sommes assez fiers de notre travail ; il a fallu niveler le terrain puis le baliser à l'aide de pierres et le recouvrir de ... coquilles d'huîtres écrasées! Dans une île voisine, c'est l'aliment quotidien, à 50cents le litre!

Lors de nos 4 premiers jours là-bas, nous remettions chaque jour en question notre choix d'y rester. Entre-autre à cause du coronavirus mais pas seulement : Julieta a un caractère bien trempé, n'écoute pas beaucoup les autres et seul son point de vue est le bon. Chaque jour, après discussion, on décidait au final de rester. Merveille, les 4 jours suivants se sont déroulés sans que l'on ne remette ce choix en cause jusqu'au dimanche fatidique lors duquel, sans que l'on s'y attende, Julieta nous annonce que l'on ne peut encore rester que une semaine maximum... Autant vous dire qu'on ne s'y attendait pas et que ça nous a fait un choc.

Suite à cette annonce, notre esprit qui avait enfin trouvé un peu de quiétude ces derniers jours a été remis à rude épreuve. Que fait-on ?!? Après insomnie et longues discussions, on opte pour trouver un autre volontariat dans le pays. Nous savons aussi que l'Allemagne organise un dernier vol de rapatriement pour les citoyens européens le jeudi suivant, c'est-à-dire dans 4 jours. Pour nous, cette solution est notre dernier recours, on ne veut pas rentrer, pas comme ça, pas maintenant...


Hourra, on a trouvé un volontariat qui a l'air génial, de l'autre côté du pays, en bioconstruction. On est donc bien décidés à y aller. On quitte les Caraïbes pour rejoindre Managua, la capitale, en chemin pour notre nouveau projet.

Mercredi 1er avril, nous nous réveillons tranquillement et tout joyeux, sans savoir que quelques minutes plus tard, toutes nos certitudes allaient s'envoler. En effet, en allumant nos GSM, nous avons reçu plusieurs messages nous encourageant fortement à rentrer en Belgique, conseils de locaux et belges résidant au Nicaragua. Le vol en question est dans moins de 24h... Chamboulés, désespérés, fatigués de voir toujours nos choix remis en question, on finit par accepter ce qui pour nous est l'inacceptable: le plus sage est de rentrer...

C'est dans un état second que nous vivons cette dernière journée en Amérique, tous les 2 dévastés. Ce n'est pas une dernière journée dont on aura profité. On l'aura passée à courir pour prendre un bus jusque Esteli où sont toujours nos bicyclettes, récupérer ces dernières, attraper le dernier bus pour retourner à la capitale et arriver à l'aéroport où l'on démonte nos vélos et dormons dans un coin.

Autant dire qu'on n'aura pas eu l'occasion de s'acheter un petit souvenir, de déguster un dernier repas local ou fruit exotique.

Dire qu'au matin, on pensait encore rester au Nicaragua pour des mois.


Il est difficile d'expliquer ce qui nous a soudainement fait changer d'avis mais on peut vous dire qu'une des raisons principales est la situation politique actuelle du Nicaragua. On vous avait écrit il y a 2 articles que le pays était plutôt instable et dans une phase compliquée. De plus le gouvernement ne prend aucune mesure pour limiter les dégâts du Covid (encore au moment où l'on vous écrit, fin avril, c'est-à-dire presque un mois plus tard), au contraire, il encourage les rassemblements publics et incite les étudiants à se rendre à l'école. Pour couronner le tout, le président n'a fait aucune apparition publique ou télévisée depuis 2 semaines (ce qui change de son habitude), certains disent qu'il est parti, d'autre qu'il est peut-être mort. Tout ceci laisse présager une crise nationale au niveau politique en plus d'une crise sanitaire dans un pays où les soins de santé sont médiocres. Peut-être que nous aurions été dans un autre pays, on y serait rester.


Et voila, jeudi 2 avril, nous embarquons dans un avion pour rentrer en Europe.

Jamais on n'aurait imaginé rentrer ainsi. On avait pourtant imaginé des scénarios catastrophes comme le vol de nos vélos, de nos passeports, un accident de la route, renversés par un camion, se faire attaquer par un ours ou des méchands monsieurs.

Le positif dans l'affaire, c'est qu'on rentre entiers et en bonne santé!